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Pourquoi faudrait-il punir ?

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question posée par Catherine Baker dans son ouvrage disponible à la lecture en ligne. Je ne l'ai pas encore lu mais acheté à la table revue de presse lors d'une représentation sur Lyon de la pièce Pisser dans l'herbe (de Philippe Giai-Miniet et Christine Ribailly) et que je vous invite à découvrir et recommande vivement d'aller voir si elle passe par chez vous. Il y a quelques mois j'avais évoqué la pièce Une longue peine. Il est à nouveau question de la prison dans cette pièce bouleversante, un appel à continuer toutes les luttes...

"Écrite en collaboration avec Christine Ribailly, une bergère détenue pendant 4 ans, la pièce est composée de lettres de Philippe Lalouel, Émilie D. et du livre "Pourquoi faudrait-il punir?" de Catherine Baker.
La pièce dresse un tableau qui interroge la justice, l'administration pénitentiaire et les modes répressifs préconisés depuis toujours."

Textes de Christine Ribailly

Rappel Liens utiles :
Observatoire Internationale des Prisons
Prison Insider
L'envolée

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Portrait de ENDEHORS

"Quand tu sais que tu es en train de faire perpète, ce n'est pas simplement un jour après l'autre, non : chaque jour tu fais perpète en entier, avec les souvenirs anticipant de plus en plus tes souffrances à venir. Et cette solidification des heures, quand elles se cristallisent en une gelée vitreuse... Et la vie qui devient une maladie... C'est la plus terrible institution de notre époque que cette justice, fatiguée de surenchérir sur le crime qu'elle prétend punir, ne crucifiant plus, n'écartelant plus, ne dépeçant plus, n'empalant plus, ne brûlant plus et, même, ne décapitant plus. Il n'y a plus ni fer, ni roue, ni gibet, ni bûcher, ni rien.

Ce qui remplace tout, c'est le temps. La vie amputée du temps ! C'est ça la prison : du temps infligé dans sa nudité. On ne tue pas, on laisse mourir." Serge Coutel, (condamné à la détention à perpétuité) L'envolée, 1985 ; cité dans l'ouvrage Pourquoi faudrait-il punir ?
....

"LA COUR ET LE JURY VOUS CONDAMENT A LA PEINE DE VINGT ANNEES DE RECLUSION CRIMINELLE.

Ce qui signifie :

Vous êtes condamné à vous mettre nu aussi souvent qu'on le jugera nécessaire pour être fouillé à corps, à montrer votre anus aux surveillants chaque fois qu'ils l'exigeront dans le cadre de leurs fonctions.

Vous êtes condamné à vous soumettre nuit et jour à leurs volontés. Vous obéirez à tous les ordres, même à ceux qui vous sembleront ineptes ou uniquement mortifiants.

Vous êtes condamné à demander la permission pour tout.

Vous êtes condamné à vous tourmentez incessamment pour vos proches, sachant que vous n'apprendrez jamais que ce qu'on voudra bien vous dire.

Vous êtes condamné à être dépouillé de tout ce que vous possédiez, à n'avoir que de rares objets personnels qu'on peut vous retirer à tout moment.

Vous êtes condamné à ne plus disposer de votre temps, de votre avenir, de vos projets.

Vous êtes condamné à ne manger qu'une nourriture autorisée ; une fois par an à Noël, sous certaines conditions, si vous avez de la famille, vous aurez le droit de faire entrer des denrées de l'extérieur.

Vous êtes condamné à tout attendre : le courrier, les visites qui se feront de plus en plus rares, l'audience demandée au directeur, la consultation à l'infirmerie, le transfert de la centrale en centre de détention, le jour lointain en fin de peine où vous pourrez espérer une permission, l'aléatoire libération conditionnelle, la sortie. Cette vie d'attente vous rongera.

Vous êtes condamné à ne plus faire l'amour, à être séparé de l'être que vous aimez.

Vous êtes condamné à vivre votre jeunesse dans la hargne au milieu d'individus désespérés, irascibles, déséquilibrés qui n'ont goût à rien et vous décourageront avec obstination d'entreprendre quoi que ce soit.

Vous êtes condamné à vivre votre désastre sans la consolation de personne ; si vous sombrez dans la dépression, vous serez condamné à prendre des cachets jusqu'à ce qu'on obtienne de vous l'abrutissement voulu. Vous n'aurez aucun contrôle sur votre santé.

Vous êtes condamné à ne pas voir grandir vos enfants, à être déchu de vos droits parentaux.

Vous êtes condamné à être coupé de la nature ; votre ciel sera tendu de gros filin contre les rêves d'évasion par hélicoptère.

Vous êtes condamné à avoir peur de tous, des surveillants violents ou alcooliques, des délinquants pervers ou devenus forcenés. Cette peur vous rendra lâche. Vous en aurez honte."

Catherine Baker, Pourquoi faudrait-il punir ?


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