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Melting Passes / Just kids

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Un très beau documentaire réalisé par Mathias Pardo, Just kids, Mathias Pardo raconte le destin de trois jeunes africains - mineurs isolés arrivés seuls en France. Leur existence croise la route d'une jeune étudiante  en droit de 24 ans qui a décidé de monter une équipe de foot composée de jeunes migrants. JUST KIDS retrace leur combat, et l'extraordinaire odyssée de cette équipe de foot hors du commun, Melting Passes.

extrait d'une interview de Maud, Pierre et Léo (fondateurs de l'équipe Melting Passes) parue dans Télérama.


"Tous les ans, des milliers d’adolescents arrivent seuls sur le territoire français. Mais pour obtenir le statut de « mineur isolé étranger » (MIE), et ainsi être pris en charge (logés, nourris et scolarisés), ils doivent prouver leur minorité. Pas facile : en 2017, 85% des demandes ont été rejetées… Et si on leur permettait au moins de jouer au foot ? Voilà l’idée de Maud Angliviel et Pierre Rosin, rejoints plus tard par Léo Delonguerue. Il y a un peu plus de deux ans, ces trois étudiants en droit ont monté l’équipe Melting Passes, formée exclusivement de jeunes étrangers en difficulté, dont l’histoire est racontée dans le documentaire Just Kids. Aujourd’hui avocats, Maud, Pierre et Léo nous parlent des difficultés à obtenir le statut de MIE, et de tout ce qu’une simple équipe de foot peut apporter à des jeunes en détresse.

“Les papiers sont toujours remis en cause. Parfois, des tests osseux sont ordonnés, alors que ce n’est pas fiable du tout.”

Quand un jeune de moins de 18 ans arrive seul en France, que doit-il faire pour être reconnu mineur isolé étranger ?
Maud Angliviel : Il faut d’abord savoir qu’en France, on ne fait pas de différence entre les étrangers et les Français, pour les mineurs. Ils sont tous légalement sur le territoire et doivent être protégés. C’est à la majorité que se pose la question d’une carte de séjour. Mais pour obtenir le statut de MIE, ils doivent prouver qu’ils sont mineurs d’une part, et isolés d’autre part. Ils sont d’abord évalués par le DEMIE (Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers). Cette instance décide s’ils sont éligibles à l’aide sociale à l’enfance. Ce sont des entretiens expédiés en quelques minutes. Le but est d’en accueillir le moins possible. Toutes sortes de motifs farfelus sont invoqués. « Vous semblez trop vieux », « un mineur n’aurait pas pu faire le voyage que vous avez fait »… En cas de refus, le jeune passe devant un juge pour enfants. Et là, c’est très arbitraire. Certains accordent le statut dès qu’il y a plusieurs indices concordants, d’autres sont très stricts. Parfois, ils font traîner la procédure pour que le jeune atteigne les 18 ans.

Pourquoi est-ce si dur d’obtenir ce statut ?
Pierre Rosin : Il y a une lutte entre l’Etat et les départements. Ces derniers estiment qu’ils ne devraient pas avoir à assumer l’immigration irrégulière. Ils ont un budget, ils savent combien coûte un enfant, ils font leurs calculs.
MA : On constate des disparités énormes entre les départements mais, globalement, il y a un défaut de prise en charge généralisé.

Des associations prennent-elles le relais ?
MA : Malheureusement, oui, ce sont des collectifs associatifs qui essayent de colmater les brèches. Ils apportent une aide juridique, une aide alimentaire…
PR : A Paris, un collectif d’hébergeurs solidaires vient en aide aux jeunes rejetés dans la rue.
MA : Il peut se passer des choses très graves. Il y a cette histoire d’un pédophile qui rôdait devant la PAOMI (Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers). Il proposait aux jeunes rejetés de venir chez lui. On compte des dizaines de victimes. Voilà la conséquence directe de laisser des enfants dans de telles situations.

Il y a cette phrase de l’avocate d’Issouf, dans le film : « Mieux vaut prendre le risque de protéger un majeur que celui de laisser un enfant dans la rue. »
MA : Elle a tout résumé.

Et quand l’enfant est pris en charge ?
Léo Delonguerue : Ils sont souvent logés dans des hôtels à la limite de l’insalubrité et ne sont pas bien nourris. L’un des joueurs que l’on voit dans le documentaire, Mohammed, était obligé de manger au kebab matin, midi et soir, parce que l’aide social à l’enfance avait conclu un partenariat avec ce restaurateur... Il a fait une occlusion intestinale !
MA : On a aussi remarqué que les joueurs se blessaient souvent.
MA : Ils n’ont pas découvert le foot en France, ils jouaient déjà dans leur pays d’origine. Plus qu’un amusement, c’était aussi une manière de garder un lien avec leurs racines. Quelque chose de très fort symboliquement, d’indispensable.
PR : Ils ont souvent joué au foot sur la route de l’exil, dans les pays qu’ils ont traversés. C’est le seul lien qui n’a pas été rompu.
MA : Et puis ça a été l’occasion de se faire des amis.

C’est aussi une manière d’être partie prenante de la société. Ils disputent un championnat où tout le monde est considéré de la même manière.
LD : Il n’est plus question de situation régulière ou d’âge. Tout le monde est footballeur.
MA : Et puis ils sont mis en valeur. On n’imaginait pas le nombre de conséquences positives quand on a monté l’équipe.

(...)

Où en est l’équipe aujourd’hui ?
MA : Ça se solidifie d’année en année. Au début, on avait du mal à trouver un terrain pour s’entraîner ; maintenant il y a cinq entraîneurs !
LD : On a un groupe d’une quarantaine de joueurs. Après l’entraînement le mercredi, deux équipes sont inscrites dans des championnats le vendredi et le samedi. Les nouveaux ont souvent du mal à venir régulièrement. Quant aux anciens… Normalement, ils doivent trouver un autre club quand ça va mieux, mais ils ont rarement envie de partir !
MA : Ils sont tous devenus très proches. Et puis c’est important qu’il y ait des anciens pour encadrer les nouveaux."

Découvrir l'équipe Melting Passes : site internet
le Centre de ressources Mineurs Isolés Etrangers : ici